Santé mentale : comprendre, prévenir et agir

24/11/2025

Érigée en Grande Cause nationale en 2025, la santé mentale sort de l’ombre. Que recouvre vraiment cette notion ? Entre définition floue pour le grand public et réalité statistique alarmante – notamment chez les jeunes – l’heure est à la clarification et à l’action. Car si les troubles psychiques progressent, la prévention offre des leviers concrets pour protéger les plus vulnérables et accompagner ceux qui en ont besoin. Décryptage d’un enjeu de société qui nous concerne tous.

Santé mentale : de quoi parle-t-on vraiment ?

La notion de santé mentale est définie par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme « Un état de bien-être mental qui nous permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté » (1). Cette définition élargit considérablement le périmètre du concept.

La santé mentale repose sur trois dimensions interdépendantes :

  • le bien-être émotionnel désigne la capacité à gérer ses émotions et à développer une résilience face aux événements de la vie ;
  • le bien-être psychologique englobe l’estime de soi, le sentiment d’accomplissement personnel et la capacité à donner du sens à son existence ;
  • enfin, le bien-être social se traduit par la qualité des relations interpersonnelles et le sentiment d’appartenance à une communauté.

Les troubles mentaux constituent quant à eux des pathologies diagnostiquées par des professionnels de santé, selon des critères médicaux précis.

La dégradation de la santé mentale en France

Les données épidémiologiques françaises témoignent d’une dégradation préoccupante de la santé mentale de la population. Selon un sondage de l’Ifop, plus de la moitié des Français affirment avoir été en souffrance psychique au cours de l’année 2024 et selon Santé Publique France, 3 millions d’entre eux vivent avec des troubles psychiques sévères(2).

La crise sanitaire aura accentué le phénomène. L’enquête CoviPrev, menée depuis 2020 et confirmée par un rapport du Sénat, a mis en évidence une détérioration marquée des indicateurs de santé mentale durant la pandémie, avec notamment une augmentation des états dépressifs et d’anxiété(3)

Le recours aux soins psychiatriques connaît une progression constante. Le coût direct et indirect des maladies psychiatriques est estimé à 163 milliards d’euros par an, en hausse de 50 % depuis 2012(4). Pour l’Assurance Maladie, le coût de prise en charge est estimé à 26,2 milliards d’euros par an, devant la prise en charge des maladies cardiovasculaires et des cancers(5).

Les facteurs aggravants identifiés par les chercheurs sont multiples. La précarité économique constitue un déterminant majeur. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), les troubles dépressifs majeurs sont cinq fois plus fréquents chez les personnes sans domicile(6). L’isolement social, amplifié par les transformations des modes de vie et l’éclatement des structures familiales traditionnelles, fragilise les individus. Dans le monde professionnel, la surcharge de travail et les risques psychosociaux sont responsables de 36 % des arrêts maladie de longue durée, d’après une enquête de WTW France(7).

Le constat dressé par les autorités sanitaires révèle que tous les âges sont concernés par ces enjeux. Néanmoins, certaines populations apparaissent particulièrement exposées : les personnes âgées isolées, les travailleurs précaires et surtout les jeunes générations qui cumulent des vulnérabilités spécifiques nécessitant une attention renforcée.

Les jeunes générations sous pression

La situation des 18-25 ans constitue un marqueur particulièrement alarmant de la crise de la santé mentale. Le suicide représente la deuxième cause de mortalité dans cette tranche d’âge, après les accidents de la route, selon l’Observatoire national du suicide(8). Les données de l’enquête i-Share, qui suit 30 000 étudiants français depuis 2013, révèlent que 34 % d’entre eux présentent des symptômes dépressifs et 28 % des troubles anxieux cliniquement significatifs. Plus préoccupant encore, un étudiant sur cinq interrogés déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année écoulée(9).

Les facteurs spécifiques à cette génération expliquent cette vulnérabilité accrue. L’hyperconnexion numérique et l’omniprésence des réseaux sociaux provoquent une anxiété permanente, alimentée par la comparaison sociale notamment. Une étude menée par l’Observatoire de la vie étudiante en 2024 établit une corrélation directe entre le temps passé sur les réseaux sociaux et l’intensité des symptômes dépressifs chez les 18-25 ans. La pression de performance constitue un autre facteur déterminant. Les exigences académiques, couplées à l’incertitude sur l’insertion professionnelle, créent un stress chronique(10).

La précarité économique frappe également durement cette population. 21,9 % des personnes de moins de 18 ans et 17,5 % des 18-29 ans, ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté(11). Les difficultés à se loger, se nourrir convenablement et à accéder aux soins, constituent des facteurs de stress majeurs. L’isolement social, accentué par la mobilité géographique liée aux études et l’éloignement du cercle familial, prive les jeunes de leurs repères et de leurs réseaux de soutien traditionnels.

L’éco-anxiété, aussi appelée « solastalgie »(12), relativement nouvelle dans le champ de la santé mentale, touche particulièrement les jeunes générations. Une enquête de Lancet révèle que 60 % des 16-25 ans déclarent être « très » ou « extrêmement » inquiets par le changement climatique(13).

Les troubles anxieux, sous leurs différentes formes (anxiété généralisée, attaques de panique, phobies sociales), représentent le premier motif de consultation. Les troubles du comportement alimentaire, particulièrement l’anorexie et la boulimie, affectent majoritairement cette tranche d’âge, avec une prévalence chez les jeunes femmes(14). Enfin, les conduites addictives, qu’il s’agisse de la consommation de substances (alcool, cannabis) ou comportementales (jeux vidéo, réseaux sociaux), constituent des mécanismes d’évitement face à la souffrance psychologique.

Face à cette situation délicate, les acteurs de l’assurance développent des dispositifs d’accompagnement adaptés.

BPCE Assurances a ainsi renforcé son offre santé en soutenant le dispositif gouvernemental Mon Soutien Psy. Il permet la prise en charge des séances chez le psychologue en complément de la Sécurité sociale. L’assureur propose également, dans le cadre de ses contrats santé et habitation, une assistance psychologique pouvant aller jusqu’à cinq entretiens téléphoniques et trois consultations en face-à-face avec un psychologue en cas d’événement traumatisant. Pour les mineurs et les jeunes adultes de moins de 25 ans, l’assurance scolaire en option du contrat habitation intègre un soutien psychologique spécifique en cas d’agression, de harcèlement, de cyberharcèlement ou de décès d’un proche.

La prévention, un impératif collectif

La reconnaissance précoce des signaux d’alerte constitue le premier maillon de la chaîne préventive. Certains signes doivent alerter : des changements d’humeur persistants sur plusieurs semaines, un isolement progressif et une réduction des interactions sociales, des troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie), une perte d’intérêt pour les activités habituellement appréciées ou encore des difficultés de concentration et de prise de décision. Les signaux peuvent se manifester par un repli sur soi brutal, une irritabilité inhabituelle, une baisse notable des performances scolaires ou professionnelles, ou une négligence de l’hygiène personnelle.

La construction d’environnements protecteurs relève d’une responsabilité collective :

  • au sein de la famille, le maintien d’un dialogue ouvert, une écoute sans jugement et une vigilance bienveillante permettent de détecter les fragilités naissantes ;
  • dans le milieu scolaire et universitaire, les dispositifs d’accompagnement psychologique se sont développés, bien que leur accessibilité demeure inégale selon les établissements. Les Services de santé étudiante (SSE) et les associations comme Nightline ou Apsytude proposent des permanences d’écoute et d’orientation ;
  • dans le monde professionnel, la prévention des risques psychosociaux s’impose progressivement comme une obligation légale et un enjeu de responsabilité sociale. Les entreprises sont tenues d’identifier et d’évaluer ces risques, puis de mettre en œuvre des actions de prévention. L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, la limitation de la charge de travail et la reconnaissance du travail accompli constituent des facteurs protecteurs documentés ;
  • à l’échelle sociétale, la lutte contre la stigmatisation représente un levier essentiel. Les campagnes de sensibilisation menées par le gouvernement dans le cadre de la Grande Cause nationale 2025 visent à normaliser la question de la santé mentale et à encourager la recherche d’aide. Le développement des formations aux premiers secours en santé mentale, sur le modèle australien, permet de former des citoyens capables de repérer les signes de détresse psychologique et d’orienter vers les ressources appropriées(15). En France, ces formations labellisées « Premiers Secours en Santé Mentale » (PSSM) durent généralement deux jours et sont dispensées par des formateurs accrédités. Elles sont ouvertes à tout public, sans prérequis, permettant à chacun d’acquérir des compétences pratiques : identifier les troubles psychiques émergents, adopter une écoute bienveillante, rassurer, informer et, le cas échéant, encourager la personne à consulter un professionnel ou à contacter une ligne d’écoute dédiée.

Oser parler constitue le premier acte de soin. Le rôle de l’entourage et des pairs s’avère déterminant : les proches de confiance sont généralement les mieux placés pour inciter les personnes souffrant de troubles psychiques à consulter.

Où trouver de l’aide ? Les ressources à connaître

Le site gouvernemental Parlons santé mentale centralise les ressources et les dispositifs d’aide disponibles. Face à une détresse psychologique, plusieurs dispositifs sont accessibles gratuitement et de manière confidentielle, en voici quelques exemples :

  • Le 3114, numéro national de prévention du suicide, est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce service, lancé en 2021, met en relation avec des professionnels formés à l’écoute et à l’évaluation du risque suicidaire.
  • Fil Santé Jeunes (0800 235 236) propose une écoute anonyme et gratuite destinée aux 12-25 ans.
  • SOS Amitié (09 72 39 40 50) offre une écoute sans jugement pour toute personne en souffrance.
  • Nightline, service d’écoute nocturne gratuit entre étudiants, fonctionne selon un modèle de pair-aidance particulièrement adapté aux jeunes adultes.
  • Psycom, organisme public d’information, propose des contenus pédagogiques sur l’ensemble des troubles psychiques et des parcours de soins.
  • Le dispositif MonPsy permet d’identifier les psychologues partenaires du dispositif de remboursement et de prendre rendez-vous.
  • L’accès aux professionnels de santé suit un parcours structuré. Le médecin traitant constitue la porte d’entrée du système de soins. Il assure une première évaluation, peut prescrire un traitement si nécessaire et oriente vers les spécialistes adaptés.

Face à l’ampleur des troubles mentaux en France, particulièrement chez les jeunes générations, la prévention et la déstigmatisation s’imposent comme des priorités. La reconnaissance précoce des signaux d’alerte, le dialogue sans jugement et l’accès facilité aux dispositifs d’aide constituent autant de leviers d’action. Une mobilisation collective est donc nécessaire : familles, écoles, entreprises, assureurs et pouvoirs publics ont chacun un rôle à jouer. Parler de santé mentale doit devenir un acte de soin, et non plus un tabou.

(1) https://www.who.int/fr/health-topics/mental-health#tab=tab_1(2) https://www.info.gouv.fr/grand-dossier/parlons-sante-mentale (3) https://www.senat.fr/rap/r21-304/r21-304.html(4) https://www.fondation-fondamental.org/en-2023-nous-estimons-le-cout-direct-et-indirect-des-maladies-psychiatriques-en-france-163-milliards(5) https://www.assurance-maladie.ameli.fr/sites/default/files/2024-07_rapport-propositions-pour-2025_assurance-maladie.pdf – page 20(6) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2024-01/grande_precarite_troubles_psy_rapport_elaboration_2024-01-17_15-53-3_383.pdf – page 15(7) https://www.wtwco.com/fr-fr/news/2025/09/hausse-del-absenteisme-en-2024-un-signal-dalerte-pour-les-entreprises(8) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/rapports/suicide-mal-etre-croissant-des-jeunes-femmes-et-fin-de(9) https://www.lab-sante-etudiants.fr/projet/sante-mentale-etudiants-i-share/(10) https://www.ove-national.education.fr/wp-content/uploads/2024/05/OVE-Reperes-Bien-etre-Sante-2024.pdf (11) https://www.insee.fr/fr/statistiques/3565548(12) https://www.oxfamfrance.org/climat-et-energie/solastalgie-ecoanxiete-angoisse-climat/#:~:text=D%C3%A9finition,du%20pays%20%C2%BB%20ressenti%20chez%20soi.(13) https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2542-5196%2821%2900278-3 (14) https://addictions-france.org/actualites/troubles-du-comportement-alimentaire-et-addictions-12104/(15) https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/promotion-et-prevention/article/le-secourisme-en-sante-mentale