Catastrophes climatiques : le rempart de la prévention

28/05/2025

Le coût des catastrophes climatiques n’est pas seulement une question comptable : il interroge notre culture du risque, notre capacité collective à anticiper et à protéger. Entre urgence économique et impératif humain, la prévention devient le pivot d’une résilience durable.

Selon un rapport d’Oxera Consulting LLP publié le 7 novembre 2024, près de 4 000 événements climatiques extrêmes enregistrés entre 2014 et 2023 ont engendré des pertes économiques mondiales de 2 000 milliards de dollars(1). Les États-Unis (934,7 milliards de dollars), la Chine (267,9 milliards) et l’Inde (112,2 milliards) figurent en tête des pays les plus touchés. La France est classée 9e avec un impact économique évalué à 29,4 milliards de dollars. Si l’on exprime ces pertes par rapport à la superficie des pays cités, la France – outre-mer compris – avec 45 666 dollars par kilomètre carré de territoire dépasse la Chine (27 915 $/km²) et l’Inde (34 132 $/km²).

Un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) publié en octobre 2023, montre que les événements climatiques extrêmes ont coûté 738 milliards d’euros à l’Union européenne entre 1980 et 2023(2). 22 % de ce total a été enregistré pour les seules années 2021 et 2023, reflétant une accélération des impacts économiques. L’Allemagne, la France et l’Italie figurent parmi les pays les plus touchés, soulignant l’urgence de renforcer les mesures d’adaptation face à l’intensification des inondations, tempêtes et vagues de chaleur notamment.

2050 : des projections inquiétantes

L’étude « Impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2050 » de France Assureurs projette une hausse de 93 % du coût des dégâts causés par les aléas naturels d’ici 2050 dans l’Hexagone, soit un coût cumulé de 143 milliards d’euros sur la période 2020-2050, contre 74,1 milliards sur la période 1989-2019.

La sécheresse, amplifiée par les dérèglements climatiques, deviendra le péril le plus coûteux, avec une augmentation prévue de 215 % et 17 milliards d’euros de surcoûts attribués au seul changement climatique.

La submersion marine, dopée par la montée des eaux, suivra avec une facture estimée à 3,9 milliards d’euros sur la même période, contre 1,2 milliard auparavant, dont 800 millions pour la seule tempête Xynthia de 2010(3).

Les entreprises françaises sous pression face aux risques climatiques

Aucune entreprise n’est à l’abri des répercussions économiques du dérèglement climatique. Le secteur agricole figure en première ligne : par exemple, les épisodes de plus en plus réguliers de gel tardif mettent en péril les récoltes pour les filières arboricoles(4) et viticoles, comme ce fut le cas en avril 2024 à Châteauneuf-du-Pape(5). D’autres acteurs dans l’agroalimentaire sont aussi confrontés à des pertes fréquentes en raison de stress thermiques et hydriques répétés(6).

Du côté de l’énergie, EDF a été contrainte de réduire la production de plusieurs centrales nucléaires à l’été 2022, notamment Bugey, Tricastin et Golfech, en raison de la température trop élevée des cours d’eau nécessaires au refroidissement des réacteurs(7).

Dans le tourisme de montagne, certaines stations de ski, comme celle de La Sambuy en Haute-Savoie, ont fermé définitivement du fait du manque d’enneigement, précipitant la chute d’activité des commerces, restaurants et hôtels environnants(8).   

Ces exemples concrets traduisent l’ampleur croissante des risques physiques et économiques pour les entreprises françaises, quelle que soit leur taille ou leur secteur.

Prévention, adaptation : des leviers sous-exploités mais essentiels

Face à ces enjeux de plus en plus pressants, la prévention et l’adaptation émergent comme des impératifs économiques et humains, mais restent sous-financées. En 2022, seuls 5 % des financements climatiques mondiaux étaient dédiés à ces enjeux, selon une étude du cabinet BCG(9). Pourtant, une résilience accrue peut réduire les primes d’assurance et attirer des capitaux.

En France, plusieurs dispositifs visent à renforcer la résilience des bâtiments face au changement climatique. Des propositions récentes appellent notamment à une refonte des normes de construction et à une meilleure articulation avec les aides existantes, comme MaPrimeRénov’. Or, trop souvent, des subventions financent l’isolation des bâtiments sans tenir compte des risques climatiques locaux, une incohérence qui fragilise les efforts d’adaptation. La troisième édition du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) insiste justement sur l’importance d’intégrer ces risques dans la conception et la rénovation des bâtiments.

Pour les zones inondables, l’installation de barrières amovibles anti-inondation et la mise en place de clapets anti-retour dans les réseaux d’évacuation permettent de réduire considérablement les dommages. Contre la sécheresse, l’étanchéification des canalisations enterrées ou la réalisation de ceintures étanches autour des bâtiments sont, entre autres, des mesures efficaces. Le Fonds Barnier, s’il ne couvre pas les mesures liées à la sécheresse, finance d’autres solutions d’adaptation, comme le comblement de cavités souterraines ou le rehaussement d’installations électriques.

Ces dispositifs encore sous-utilisés, font désormais l’objet d’incitations financières de la part de certains assureurs qui y voient un moyen de pérenniser l’assurabilité des biens dans les zones les plus exposées.  

Initiative : une remise qui récompense les gestes durables

BPCE Assurances propose, sous conditions, une remise tarifaire progressive sur le contrat d’habitation, allant de 5 à 15 %, en fonction du nombre de comportements vertueux réalisés par l’assuré. Par exemple, une première action, comme l’obtention d’un ECO-PTZ pour isoler son logement, donne droit à 5 % de remise. Une deuxième action, comme le remplacement d’une chaudière par une pompe à chaleur, fait passer la remise à 10 %. Une troisième amélioration comme l’installation de barrières anti-inondation permet d’atteindre une remise de 15 %.

Un défi qui exige une approche collective

Si l’adaptation aux changements climatiques progresse, elle appelle encore des solutions plus ambitieuses. Lancé en octobre 2024 par la CCR (Caisse Centrale de Réassurance), l’Observatoire de l’assurabilité représente une initiative importante pour le secteur. Il favorise la transparence et encourage les bonnes pratiques via des mécanismes d’incitation qui valorisent l’engagement des assureurs dans les zones exposées aux risques.

À l’horizon 2050, les phénomènes comme la sécheresse, les inondations et les tempêtes devraient s’intensifier considérablement dans la plupart des régions françaises, renforçant l’importance d’une collaboration efficace entre pouvoirs publics et assureurs. France Assureurs insiste d’ailleurs sur la nécessité de diffuser une « culture du risque » et de mobiliser le secteur privé, dont les outils – bases de données climatiques, modèles prédictifs – pourraient aider à anticiper les événements et les dommages associés(10).

(1) The economic cost of extreme weather events – Oxera – 7 November 2024
(2) https://www.eea.europa.eu/en/analysis/indicators/economic-losses-from-climate-related
(3) https://www.ouest-france.fr/environnement/xynthia/xynthia-dix-ans-apres-recit-en-images-du-drame-de-la-tempete-en-vendee-6750841
(4) https://www.franceinfo.fr/environnement/crise-climatique/gel-tardif-abricotiers-pommiers-vignes-apres-l-hiver-extremement-doux-le-froid-menace-tous-les-vegetaux_6503315.html
(5) https://www.laprovence.com/article/region/40349032558325/la-vigne-provencale-ravagee-par-le-gel-tardif
(6) https://www.lebetteravier.fr/2023/09/15/la-fecule-victime-du-changement-climatique/
(7) Impact de l’été 2022 sur la production nucléaire et impact de la production nucléaire sur l’environnement, bilan – Division production nucléaire, novembre 2022, EDF.
(8) https://www.tf1info.fr/meteo/reportage-video-sports-d-hiver-ces-stations-de-ski-contraintes-de-fermer-faute-de-neige-2328576.html
(9) Adaptation & résilience des entreprises au changement climatique – BCG, Quantis – mars 2025
(10) Impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2050 – France Assureurs