Assurabilité des risques climatiques : un défi pour l’avenir du secteur

Vendredi 13 septembre

Les risques liés au dérèglement climatique font désormais partie du quotidien et des priorités des assureurs et réassureurs. La fréquence et l’intensité des événements rencontrés mettent à l’épreuve la capacité des compagnies à les couvrir désormais.

Vagues de chaleur, sécheresses, feux de forêts, fortes précipitations, grêles, inondations, tempêtes, gels tardifs, séismes, érosion des côtes, cyclones, ouragans… Les aléas atmosphériques, terrestres et hydrologiques se sont multipliés au cours des dernières années. Pour les assureurs, une question primordiale se pose : dans les zones à haute concentration de sinistres, où les probabilités de survenance et les coûts de prise en charge augmentent, est-il et sera-t-il encore viable de continuer à assurer ces risques ?

Le constat d’une hausse d’intensité et de coûts des risques climatiques en France

Les dernières années ont été marquées par une série de catastrophes climatiques en France. Les inondations de 2021 et 2023 ont causé des dégâts considérables, touchant des milliers de foyers et d’entreprises. Dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, par exemple, les inondations et crues de 2023 ont été particulièrement dévastatrices. La Caisse centrale de réassurance (CCR) a estimé leur coût à environ 550 millions d’euros, au titre du régime d’indemnisation des « catastrophes naturelles » (Cat-Nat)[1]. Les incendies en Gironde en 2022 ont ravagé plus de 30 000 hectares de forêts, tandis que des tempêtes violentes et des grêles inédites ont endommagé un nombre très important de véhicules, de maisons individuelles et d’infrastructures collectives et ont gravement perturbé l’économie locale. Ces événements révèlent une tendance inquiétante : les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes et dévastatrices. Après l’année 1999 et les redoutables tempêtes Lothar et Martin, les années 2022 et 2023 sont devenues les plus coûteuses jamais enregistrées. Les dommages pour sinistres climatiques représentent respectivement 10 milliards et 6,5 milliards d’euros, à la charge des assureurs[2]. Pour la présidente de France Assureurs, Florence Lustman, il s’agit d’un « changement d’échelle » dans le risque climatique. En effet, la moyenne annuelle du coût des sinistres en France a continué de croître au cours de ces deux dernières décennies : elle est passée de 2,7 milliards d’euros entre 2000 et 2008, à 3,7 milliards d’euros entre 2010 et 2019 pour atteindre 6 milliards d’euros entre 2020 et 2023. Le retour récent de l’inflation et les ruptures de chaînes d’approvisionnement dues à la crise sanitaire ont encore aggravé ce sombre bilan.

Vers une nouvelle approche de l’assurabilité

Face à l’ampleur de cette situation, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (dit « Cat-Nat ») ne suffit plus. Ce dispositif de réassurance, créé par la loi du 13 juillet 1982, associe les assureurs et l’État. Il permet aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités d’être indemnisés en cas de situation déclarée « catastrophe naturelle ». Ce régime a produit des effets très positifs depuis sa création. « La mutualisation entre tous les assurés constitue un modèle très protecteur – et donc précieux – pour garantir une couverture assurantielle large, y compris dans les zones les plus exposées aux périls climatiques » relève le rapport de la mission conduite par Thierry Langreney, mais « Il doit être renforcé et mieux financé pour demeurer efficace ». Ce rapport, remis fin 2023 au ministre de l’Economie et au ministre de la Transition écologique, propose donc plusieurs mesures pour mieux faire face aux risques climatiques[1].

Pour garantir la pérennité des compagnies d’assurance y figurent notamment les mesures suivantes :

– un rééquilibrage financier du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles via une augmentation et une indexation de la surprime Cat-Nat ;
– l’instauration d’un système de bonus-malus fiscal pour les assureurs, avec une réduction d’impôt pour les assureurs couvrant les zones les plus exposées et, au contraire, une augmentation d’impôt dans les zones faiblement exposées ;
– un renforcement de la prévention des risques naturels et de la résilience des bâtiments ;
– la création d’un observatoire de l’assurance des risques climatiques pour améliorer la transparence sur l’évolution des pratiques assurantielles ;
– des incitations financières pour les assurés à réaliser des travaux de prévention ;
– une amélioration de la cartographie des risques et leur intégration dans les plans d’urbanisme.

Ces mesures visent à adapter le système assurantiel français face à l’augmentation prévue des coûts liés aux dommages climatiques, estimée entre 45% et 85% d’ici 2050[4]. L’objectif est de maintenir une couverture assurantielle large.  Au-delà, la prévention et l’adaptation au changement climatique apparaissent essentielles. Des mesures concrètes, comme la construction et la rénovation des bâtiments et infrastructures résistant aux aléas climatiques, permettront de réduire les dommages et les coûts associés. Dans les années qui viennent, la collaboration entre les secteurs public et privé s’avèrera indispensable pour poursuivre dans cette voie. L’État et les collectivités locales peuvent jouer un rôle clé en soutenant les initiatives de prévention, en proposant des régulations adaptées et en orientant le développement des territoires de manière résiliente. De leur côté, les compagnies d’assurances vont devoir innover pour proposer de nouveaux produits particulièrement adaptés aux risques climatiques. BPCE Assurances s’y attèle déjà. Enfin, la population devra être sensibilisée et encouragée à prendre des mesures préventives pour protéger ses biens et réduire sa vulnérabilité aux risques climatiques.